A l’attention de: Carlos Leitão, Ministère des Finances du Québec
De la part de: Alexandre Laurin
Date: 3 avril, 2018
Objet: Budget du Québec: le Fonds des générations nuit à la transparence
À quelques mois de l’élection générale prévue cet automne, le dernier budget du Québec prévoit un éventail de nouvelles dépenses. À ce titre, le Québec n’est vraiment pas unique. Par exemple, le plan budgétaire pré-électoraliste de l’Ontario promet des dépenses additionnelles beaucoup plus substantielles. Mais à la différence de l’Ontario, plombée par des déficits budgétaires absolument colossaux, le Québec arrive tout de même à maintenir le cap de l’équilibre budgétaire – une des seules provinces (avec la Colombie-Britannique) à pouvoir s’en vanter ces dernières années.
Pourtant, plusieurs réactions sur le budget portent à croire que les nouvelles dépenses sont facilitées par l’utilisation de sommes placés en réserve, sans quoi l’équilibre budgétaire ne pourrait être atteint. Ces réactions dénotent une confusion pour laquelle le gouvernement n’a que lui-même – et le Fonds des générations – à blâmer.
Le budget montre un solde budgétaire de seulement $850 millions pour l’année en cours, et zéro pour les deux prochaines. Ce solde, résultat de rajustements pour tenir compte du Fonds des générations, est essentiellement fictif.
Conformément aux principes comptables généralement reconnus, le Québec aura produit quatre années consécutives de surplus budgétaires incluant l’année financière qui se terminera bientôt. Et le budget de mardi prévoit encore des surplus pour les deux prochaines années. Pour chacune des trois dernières années, les surplus sont importants, dépassant les 3 milliards $ par an. Pour les deux prochaines, le budget prévoit des surplus de 0,9 et 1,8 milliard $; des prévisions non seulement bien meilleures que celles du fédéral et de plusieurs autres provinces, mais qui montrent les finances de la province en meilleure posture que ce que le solde budgétaire au budget laisse supposer.
Québec a créé le Fonds des générations en 2006. Ce Fonds est entièrement dédié au remboursement futur de la dette publique : un objectif essentiel considérant que la dette nette du Québec en fonction du PIB est la plus élevée de toutes les provinces, et que le vieillissement de la population entrainera une augmentation vertigineuse du poids budgétaire des coûts de la santé.
Il n’existe qu’une seule façon de rembourser la dette, et c’est de produire des surplus budgétaires. Le Fonds est inutile en ce sens, et ne fait que produire un écran de fumée entre les vrais résultats et ceux, essentiellement fictifs, qui tiennent compte des versements au Fonds. Un versement au Fonds est un investissement, et non une dépense. Lors des années de déficits ou celles où les surplus sont inférieurs aux versements au Fonds, on utilise une dette pour en rembourser une autre – un exercice qui n’a de sens qu’au plan du marketing politique. Les années où les surplus sont supérieurs aux versements au Fonds, la dette diminue du montant des surplus, et les versements ne sont qu’une distraction. On aurait aussi bien pu rembourser des emprunts avec les surplus, point à la ligne.
Certains prétendent que le Fonds est rentable parce que le coût de financement de la dette est inférieur au rendement anticipé. Ce raisonnement est boiteux, car le profit anticipé n’est qu’une juste compensation aux contribuables pour le risque d’investissement qu’ils ont prétendument accepté.
Le législateur et les électeurs ont besoin d’une présentation financière claire afin de tenir le gouvernement responsable de ses objectifs budgétaires. Le Fonds des générations nuit à la transparence : il s’établira à 12,8 milliards $ au 31 mars 2018, alors que la dette ne fut effectivement réduite que de 2,3 milliards $ depuis sa création (surplus cumulés).
Bravo au gouvernement du Québec d’avoir rétabli l’équilibre budgétaire en 2014, et de continuer à rembourser la dette de cette façon. Maintenant il est temps d’éliminer le Fonds des générations, qui ne fait qu’obscurcir la présentation financière dans les budgets du Québec.
Alexandre Laurin est le directeur de la recherche à l’institut C.D. Howe.
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