De: Luc Godbout
À: Chrystia Freeland, Ministre des Finances
Date: 14 février 2022
Sujet: Pourquoi pas 75 ans?
Certains changements peuvent à la fois optimiser les mécanismes des régimes de retraite tout en contribuant également à l’incitation à la prolongation de carrière.
C’est particulièrement le cas pour la détermination de l’âge à laquelle les régimes enregistrés d’accumulation de capital – comme les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) – viennent à échéance. Cette échéance arrive au plus tard l’année où le particulier bénéficiaire atteint l’âge de 71 ans.
Avant la fin de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 71 ans, le titulaire d’un REER ou d’un régime de retraite à cotisation déterminées (CD) doit transférer le solde dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ou une rente viagère, à défaut de quoi la valeur totale de son REER ou de son régime CD devra être ajoutée à son revenu imposable.
Il convient de noter d’emblée qu’une telle règle régissant le décaissement minimum de l'épargne-retraite est là pour répliquer les régimes de retraite qui comportent des seuils d'âge auxquels l'accumulation doit cesser et où la rente doit débuter. Cela dit, il est également logique de revoir de temps à autre les paramètres des FERR dont l’âge limite pour la conversion afin de tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.
Pour la petite histoire, rappelons que le REER a été instauré en 1957. Dès sa création, il était indiqué que le particulier devait retirer ses fonds sous la forme d’une rente au plus tard à 71 ans.
La possibilité de convertir un REER en FERR plutôt qu’en une rente a, quant à elle, été mise en place avec le budget fédéral de 1978. Encore une fois, l’âge limite pour la conversion était fixé à 71 ans.
Or, dans un contexte budgétaire difficile, le seuil de 71 ans a été réduit à 69 ans dans le budget fédéral de 1996. Toutefois, le budget fédéral de 2007 a ramené le seuil limite de conversion à 71 ans. C’est donc dire que depuis la création du REER en 1957, l’âge limite de 71 ans n’a jamais été rehaussé!
Pourtant, depuis 1957, l’espérance de vie des ainés au Canada s’est significativement améliorée. En effet, alors que l’espérance de vie à 65 ans était de 14,5 ans durant la période 1955-1957, elle atteignait 20,9 ans en 2018-2020. C’est donc dire que l’espérance de vie à 65 ans s’est accrue de plus de 6 ans.
Dans cette perspective, considérant la forte augmentation de l’espérance de vie, l’âge limite de 71 ans de conversion d’un REER en FERR doit être hausser. Une telle révision périodique doit également s’appliquer à la grille de décaissement minimal du FERR.
Considérant qu’à compter de juillet 2022, la Prestation de sécurité de la vieillesse (PSV) des bénéficiaires de 75 ans et plus sera bonifiée de 10%, pourquoi ne pas en profiter pour harmoniser d’autres éléments autour de ce nouveau 75 ans? Par exemple, prolonger la possibilité de report de la PSV actuellement possible jusqu’à 70 ans à 75 ans? Ou encore déplacer l’âge limite de conversion d’un REER en FERR de 71 ans à 75 ans?
Comme indiqué, ce type de changement peut non seulement optimiser les mécanismes des régimes de retraite, tout en ayant des effets positifs sur l’incitation à la prolongation de carrière qui peut procurer des effets bénéfiques sur la santé et réduire la pénurie de main-d'œuvre imminente au Canada.
Luc Godbout est professeur à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques.
Pour laisser un commentaire, envoyez-nous un courriel blog@cdhowe.org.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de les auteur. L’Institut en tant qu’organisme ne prend pas position sur des questions de politique publique.