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Ottawa promet plus de transparence, mais sa nouvelle astuce comptable fait l’inverse
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Citation | Yves Giroux and Laurin, Alexandre. 2025. "Ottawa promet plus de transparence, mais sa nouvelle astuce comptable fait l’inverse." Intelligence Memos. Toronto: C.D. Howe Institute. |
Page Title: | Ottawa promet plus de transparence, mais sa nouvelle astuce comptable fait l’inverse – C.D. Howe Institute |
Article Title: | Ottawa promet plus de transparence, mais sa nouvelle astuce comptable fait l’inverse |
URL: | https://cdhowe.org/publication/ottawa-promet-plus-de-transparence-mais-sa-nouvelle-astuce-comptable-fait-linverse/ |
Published Date: | October 22, 2025 |
Accessed Date: | October 23, 2025 |
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De la part de: Yves Giroux and Alexandre Laurin
A l’attention de: Observateurs économique
Date: 22 octobre, 2025
Sujet: Ottawa promet plus de transparence, mais sa nouvelle astuce comptable fait l’inverse
Le 6 octobre, le gouvernement fédéral a annoncé deux changements majeurs dans la façon dont il gère et présente ses finances : la création d’un cadre de budgétisation des investissements en capital et le déplacement des budgets qui seront maintenant déposés à l’automne, les mises à jour économiques étant désormais prévues au printemps. Le deuxième changement, soit le dépôt du budget à l’automne, tient la route. Le premier, en revanche, risque de brouiller les cartes : reclasser certaines dépenses comme des investissements en capital pourrait rendre les finances publiques plus opaques plutôt que plus claires.
Depuis quelques années, Ottawa dépose souvent ses budgets en retard. Résultat, les parlementaires doivent approuver les crédits budgétaires avant de connaître les véritables décisions de dépenses. Comme ces projets de loi doivent être déposés avant le 1er mars, ils votent souvent avec une vue partielle des dépenses gouvernementales.
Un budget déposé à l’automne réglerait en partie ce problème. Les nouvelles mesures pourront être intégrées aux projets de loi de crédits, donnant aux élus une vue d’ensemble avant le début de l’exercice, le 1er avril. Les ministères, les provinces et les territoires pourraient aussi planifier plus efficacement, connaissant leurs ressources plusieurs mois à l’avance.
Le nouveau cadre de budgétisation des investissements, lui, convainc moins. Ottawa affirme qu’il aidera les Canadiens à mieux comprendre comment les choix budgétaires soutiennent la croissance future. En pratique, il s’agira surtout de rebaptiser certaines dépenses, nouvelles ou existantes, comme des « investissements en capital ». Or, le gouvernement applique déjà la comptabilité d’exercice, qui répartit le coût des immobilisations sur leur durée de vie utile. Ces actifs sont déjà traités séparément, conformément aux normes comptables du secteur public. Les nouvelles dépenses qu’Ottawa veut maintenant classer comme investissements en capital ne correspondraient à aucun actif inscrit au bilan fédéral, ce qui constituerait une dérogation majeure aux normes comptables.
Selon la nouvelle définition, un investissement en capital comprend toute dépense ou mesure fiscale contribuant à la formation de capital, peu importe que les actifs soient détenus par un autre gouvernement ou par le secteur privé. Il serait pratiquement impossible pour le gouvernement fédéral de tenir un inventaire exact des actifs détenus par les entreprises qu’il a contribué à financer.
Les dépenses en capital incluront dorénavant les transferts pour financer des infrastructure, les crédits et déductions d’impôt pour l’investissement des entreprises, l’amortissement des actifs fédéraux, le soutien à la recherche et au développement privés, ainsi que les mesures favorisant les investissements résidentiels ou privés à grande échelle. Les dépenses qui ne répondent pas à ces critères – comme les paiements aux aînés, les prestations pour enfants, les transferts en santé et en programmes sociaux, ou les coûts de fonctionnement du gouvernement – seront considérées comme des dépenses de fonctionnement courantes.
L’intention affichée est louable : montrer comment les choix budgétaires soutiennent la croissance à long terme. Mais en pratique, ce cadre créerait deux soldes budgétaires, l’un montrant le déficit tel qu’on le connaît, et l’autre excluant les prétendus « investissements en capital » menant à un supposé déficit de fonctionnement. Ce changement rendra la lecture des finances publiques encore plus complexe.
Certaines dépenses qu’on voudra qualifier d’investissements ont un lien très mince avec la formation de capital. Prenons le remboursement de la TPS pour les premiers acheteurs d’une maison : c’est avant tout une subvention qui stimule la demande. Comment mesurer la part qui se traduit vraiment par de nouveaux actifs productifs?
Plus préoccupantes encore sont les déductions et crédits d’impôt que le gouvernement veut inclure comme investissements en capital. Leur valeur réelle repose sur des hypothèses, et ces mesures réduisent les revenus plutôt qu’elles n’augmentent les dépenses. Considérer des revenus non perçus comme des investissements est trompeur. Selon cette logique, si Ottawa abolissait temporairement l’impôt sur les sociétés et qualifiait cette mesure « d’investissement » – renonçant ainsi à plus de 85 milliards de dollars de recettes annuelles – le déficit de fonctionnement paraîtrait plus faible, ce qui est absurde. Difficile d’échapper à la conclusion que ce nouveau cadre vise surtout à justifier des dépenses plus élevées.
Qu’une sortie de fonds soit appelée investissement ou dépense, elle doit toujours être financée par l’impôt ou par l’emprunt. Dans tous les cas, elle alourdit la dette publique et les coûts d’intérêt futurs. La vraie transparence découle de rapports clairs et cohérents fondés sur des normes reconnues, non sur une astuce comptable qui fait paraître le déficit plus petit, surtout à un moment où les finances publiques sont déjà sous forte pression. Le passage du budget à l’automne est une bonne idée. Mais le nouveau cadre de budgétisation des investissements risque plutôt de réduire la transparence et d’entraîner Ottawa sur la pente d’un endettement encore plus lourd.
Yves Giroux, ancien directeur parlementaire du budget, est chercheur invité au C.D. Howe Institute, où Alexandre Laurin est vice-président et directeur de la recherche.
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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de les auteurs. L’Institut en tant qu’organisme ne prend pas position sur des questions de politique publique.
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