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Tout le monde à bord : les avantages de trains de passagers plus rapides et plus fréquents entre l’Ontario et le Québec et les coûts des retards
Summary:
Citation | Fariha Tasnim and Jones David. 2025. "Tout le monde à bord : les avantages de trains de passagers plus rapides et plus fréquents entre l’Ontario et le Québec et les coûts des retards". Research. Toronto: C.D. Howe Institute |
Page Title: | Tout le monde à bord : les avantages de trains de passagers plus rapides et plus fréquents entre l’Ontario et le Québec et les coûts des retards – C.D. Howe Institute |
Article Title: | Tout le monde à bord : les avantages de trains de passagers plus rapides et plus fréquents entre l’Ontario et le Québec et les coûts des retards |
URL: | https://cdhowe.org/publication/tout-le-monde-a-bord-les-avantages-de-trains-de-passagers-plus-rapides-et-plus-frequents-entre-lontario-et-le-quebec-et-les-couts-des-retards/ |
Published Date: | February 21, 2025 |
Accessed Date: | March 19, 2025 |
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L’étude en bref
- Cette étude estime les avantages économiques d’une nouvelle liaison ferroviaire réservée aux passagers dans le corridor Toronto–Québec, avec ou sans capacités de grande vitesse.
- Cumulativement, en termes de valeur actualisée sur 60 ans, nous estimons des avantages économiques se chiffrant entre 11 et 17 milliards de dollars dans les scénarios de train conventionnel modélisés et entre 15 et 27 milliards de dollars dans les scénarios de train à grande vitesse.
- Cette étude estime les avantages économiques plutôt que d’entreprendre une analyse coûts–avantages complète. L’analyse est assujettie à une gamme d’hypothèses, en particulier les prévisions relatives au nombre de passagers.
Les auteurs remercient Daniel Schwanen, Ben Dachis, Glen Hodgson ainsi que les réviseurs anonymes pour leurs commentaires sur une version antérieure. Les auteurs assument l’entière responsabilité de toute erreur et des opinions exprimées.
Introduction
Le Canada va de l'avant avec ses plans pour des services ferroviaires plus rapides et plus fréquents dans le corridor Toronto–Québec.
En 2021, le gouvernement fédéral avait annoncé des plans pour une nouvelle liaison ferroviaire à grande fréquence réservée aux passagers dans le corridor Toronto–Québec. Plus récemment, le gouvernement a examiné la possibilité que cette ligne de transport de passagers offre des services ferroviaires à grande vitesse. Ces deux scénarios s’inscrivent dans le cadre du projet ferroviaire actuel, que VIA-TGF a nommé « Train rapide ». Le présent document analyse les avantages économiques du projet de Train rapide proposé en tenant compte des deux scénarios et, implicitement, de ce qui en coûterait d’y renoncer.
Le projet offre d’importants avantages économiques et sociaux au Canada. À une époque où les usagers actuels de VIA Rail doivent accepter des vitesses maximales relativement modestes (selon les normes internationales) et des retards réguliers, ce projet offre une ligne réservée au transport de passagers pour résoudre les contraintes de capacité du réseau. Comme il est bien connu que l’économie canadienne connaît une crise de productivité (Banque du Canada, 2024) et que le Canada est à la recherche d’approches rentables pour réduire les émissions nocives de CO₂, le projet offre à la fois des gains de productivité et une capacité de transport à plus faibles émissions. En bref, des coûts de renonciation importants sont associés au fait de ne pas aller de l’avant avec cet investissement ou de le reporter et ainsi perpétuer le statu quo dans le service ferroviaire.
Le corridor Toronto–Québec, où résident plus de 16 millions de personnes (Statistique Canada, 2024), génère environ 41 % du PIB du Canada (Statistique Canada, 2023) et n’a pas le genre de service ferroviaire pour passagers entièrement modernisé offert dans des régions comparables du monde. Par exemple, le Canada est le seul pays du G7 sans train à grande vitesse (TGV) – défini par l’Union internationale des chemins de fer (UIC) comme un service ferroviaire ayant la capacité d’atteindre des vitesses de 250 km/h. La congestion a entraîné une fiabilité (ponctualité) bien en deçà des normes typiques de l’industrie. Les discussions sur l’amélioration du service ferroviaire dans ce corridor se poursuivent depuis des décennies. Mais les retards ont des coûts. Le présent Commentaire fait la somme de ces coûts dans l’éventualité où le Canada continuerait de reporter, voire abandonnerait l’investissement dans les services ferroviaires améliorés.
L’infrastructure ferroviaire existante dans le corridor Toronto–Québec a été développée il y a plusieurs décennies et continue de fonctionner selon les paramètres établis pendant cette période. Toutefois, des changements importants se sont produits depuis, notamment une hausse de la croissance démographique et du développement économique et une évolution des habitudes de transports. La demande croissante de transport de passagers et de marchandises, tant par chemin de fer que par d’autres modes, a fait accroître la pression sur le réseau de transport de la région. Il devient de plus en plus nécessaire d’explorer les divers mécanismes par lesquels les améliorations apportées au service ferroviaire pourraient avoir une incidence sur les résultats économiques régionaux.
Selon Statistique Canada (2024), le corridor Toronto–Québec est la région la plus densément peuplée et la plus industrialisée du Canada. Ce corridor compte 42 % de la population totale du pays et représente 43 % du marché du travail national. Les projections de Transports Canada (2023) indiquent que d’ici 2043, 5 millions de personnes supplémentaires habiteront au Québec et en Ontario, ce qui représente une augmentation de 21 % par rapport à 2020. Cette croissance démographique représentera plus de la moitié de l’augmentation totale de la population du Canada au cours de cette période. À mesure que la population et l’économie continueront de croître, la demande pour tous les modes de transport, y compris le transport ferroviaire pour les passagers, augmentera. La pression croissante sur le réseau de transport fait ressortir la nécessité d’améliorer l’infrastructure dans ce corridor. En 2019, le transport ferroviaire des passagers ne représentait que 2 % de tous les trajets dans le corridor, la grande majorité des trajets (94 %) étant effectués en voiture (site Web de VIA-TGF). Cette répartition est plus inégale que dans d’autres pays dotés de trains à grande vitesse. Par exemple, entre Londres et Paris, la capacité de l’aviation a diminué environ 50 % depuis la construction d’une liaison ferroviaire à grande vitesse (l’Eurostar) il y a 25 ans, qui a maintenant atteint part modale d’environ 80 % (Morgan et coll. 2025, site Web de l’OAG 2019). À ce titre, le transport ferroviaire pourrait avoir une plus grande part modale au Canada, d’autant plus que le besoin de solutions de transport durables et efficaces devient plus pressant face à la croissance démographique et aux défis environnementaux.
En pratique, on peut estimer que le fait de ne pas aller de l’avant avec le projet de Train rapide entraînerait la perte d’avantages économiques qui auraient pu être réalisés si le projet avait été mis en branle. Il convient de noter que la présente étude ne permet pas d’effectuer une analyse coûts–avantages (ACA) complète de l’investissement proposé. Elle examine plutôt les divers avantages économiques associés à l’introduction du service de Train rapide proposé dans le corridor Toronto–Québec. Plus précisément, elle analyse cinq aspects clés des répercussions économiques : les avantages pour les usagers du transport ferroviaire, la réduction de la congestion routière, l’amélioration de la sécurité du réseau routier, les effets d’agglomération (expliqués ci-dessous) et la réduction des émissions. Les trois premiers avantages touchent principalement les personnes qui auraient voyagé de toute façon ou qui ont été incitées à voyager en train ou en voiture. Les avantages de l’agglomération touchent tous ceux qui vivent dans le corridor, tandis que les réductions d’émissions contribuent aux efforts nationaux et internationaux de lutte contre les changements climatiques. De chacune de ces façons, l’amélioration des services ferroviaires peut contribuer à la croissance économique et à la durabilité régionales. En évaluant ces aspects, la présente étude vise à établir des estimations quantitatives des avantages que l’amélioration des services ferroviaires pourrait apporter à l’économie et à la société et, ce faisant, à indiquer les pertes qui pourraient résulter de l’abandon de l’investissement ferroviaire proposé.
Les avantages pour les usagers du transport ferroviaire constituent les gains économiques les plus directs. Grâce à un transport ferroviaire plus rapide et à une réduction du nombre de retards, les usagers du transport ferroviaire profitent d’un temps de déplacement réduit et d’un service plus fiable et sont davantage satisfaits. Le projet de Train rapide serait avantageux pour les usagers du transport ferroviaire parce que les voies réservées aux passagers élimineraient la nécessité de céder la place au transport de marchandises, réduisant ainsi les retards. Le projet de Train rapide générerait d’autres avantages grâce à ses trajets plus rapides qui réduiraient le temps de déplacement.
Les effets de la congestion vont au-delà des choix de transport de chacun et influencent également l’activité économique dans son ensemble. La présente étude examine comment l’amélioration des services ferroviaires pourrait avoir une incidence sur les niveaux de congestion routière dans les principaux centres urbains et sur les principales autoroutes du corridor. La sécurité du réseau routier est un autre aspect de l’analyse économique de la présente étude, car le passage de la route au train pourrait réduire les accidents de la route et les coûts économiques qui y sont associés.
Les économies d’agglomération sont des externalités positives qui découlent d’une plus grande concentration spatiale de l’industrie et des entreprises, ce qui se traduit par des coûts moindres et une productivité accrue. Une plus grande proximité entraîne de meilleures possibilités de mise en commun du marché du travail, d’interactions des connaissances, de spécialisation et de partage des intrants et des extrants (Graham et coll. 2009). L’amélioration des transports (à l’intérieur des zones urbaines et entre celles-ci) peut soutenir les économies d’agglomération en améliorant la connectivité, en réduisant le coût des interactions et en entraînant des gains de productivité.1Grâce à l’amélioration du transport et de la connectivité, les entreprises et les milieux industriels dans les zones connectées se rapprochent dans les faits, ce que les publications universitaires décrivent comme une augmentation de la densité effective. Appuyés par les publications universitaires (Graham 2018), ces avantages économiques plus généraux sont abordés dans les lignes directrices internationales sur l’évaluation des transports (Metrolinx 2021, Department for Transport du Royaume-Uni 2024). Les effets d’agglomération découlant de l’amélioration de la connectivité offrent des avantages économiques distincts des avantages pour les usagers du transport ferroviaire et complémentaires à ceux-ci.
Les considérations environnementales, en particulier les réductions d’émissions, constituent un avantage économique supplémentaire. Cette analyse examine la possibilité de réduire les émissions liées au transport et la valeur économique qui y est associée, y compris les coûts environnementaux directs. Elle tient notamment compte de la façon dont les transferts modaux pourraient influer sur l’empreinte carbone globale du corridor et ses retombées économiques connexes.
La méthodologie employée dans cette analyse s’appuie sur des cadres d’évaluation économique établis tout en tenant compte de l’évolution récente de l’économie des transports. L’étude s’appuie sur des données de VIA-TGF, de Statistique Canada et de plusieurs autres études et documents de recherche connexes. Dans la mesure du possible, l’analyse repose sur des hypothèses au corridor Toronto–Québec, en tenant compte de ses caractéristiques, de ses paramètres économiques et de ses tendances démographiques uniques.
Les constatations présentées ici aider à comprendre la façon dont différents aspects de l’amélioration du service ferroviaire pourraient influer sur les résultats économiques pour divers échéanciers et divers groupes d’intervenants. Cette analyse reconnaît que, bien que certains avantages puissent être facilement quantifiables, d’autres sous-entendent des relations économiques à long terme plus complexes qui doivent être examinées attentivement dans le contexte particulier du corridor Toronto–Québec.
D’après notre modélisation et nos prévisions, les propositions d’investissement dans l’infrastructure ferroviaire pour passagers dans le corridor Toronto–Québec présenteraient des avantages économiques, environnementaux et sociaux considérables (voir le tableau 3 en annexe pour une répartition complète, par scénario). Notre modélisation de scénarios est entreprise sur une période de 60 ans et prévoit l’entrée en vigueur de nouveaux services à partir de 2039, les avantages étant déclarés en valeur actualisée de 2024. Le total estimatif de la valeur actualisée des avantages varie de 11 milliards de dollars, dans le scénario de croissance du nombre de passagers le plus prudent, à 27 milliards de dollars, dans le scénario de croissance le plus optimiste. Cumulativement, en valeur actualisée, on estime que les avantages économiques se situent entre 11 et 17 milliards de dollars dans le cadre de nos scénarios modélisés de train conventionnel, et sont plus élevés – entre 15 et 27 milliards de dollars – dans les scénarios de train à grande vitesse (voir le tableau 3 pour obtenir les chiffres propres à chaque scénario). Cette estimation est assujettie à une gamme d’hypothèses et de données d’entrée, y compris les prévisions du nombre de passagers.
Ces avantages estimés ont été établis à partir de plusieurs composantes. Les avantages pour les usagers – découlant du temps économisé, de la fiabilité accrue et de la satisfaction à l’égard de la ponctualité – constituent la composante la plus importante, leur valeur estimée étant de 3,1 à 9,2 milliards de dollars. On estime que les avantages économiques des effets liés à l’agglomération (entraînant une hausse du PIB) se situent entre 2,6 et 3,9 milliards de dollars et que les avantages environnementaux découlant de la réduction des émissions de gaz à effet de serre se situent entre 2,6 et 7,1 milliards de dollars. Parmi les autres avantages, mentionnons la réduction de la congestion routière, évaluée entre 2,0 et 5,9 milliards de dollars, et l’amélioration de la sécurité routière, qui ajoute environ 0,3 à 0,8 milliard de dollars. Voir le tableau 4 pour obtenir les chiffres propres aux scénarios. De plus, d’autres analyses de sensibilité ont été entreprises parallèlement aux principaux scénarios de croissance du nombre de passagers.
Dans l’ensemble, les résultats de cette étude démontrent et soulignent les avantages économiques substantiels des investissements ferroviaires dans le corridor Toronto–Québec, ainsi que les retombées transformatrices potentielles sur la région de Toronto–Québec découlant de la croissance économique et du développement durable.
Enfin, l’analyse de la présente étude comporte plusieurs réserves et limites. Elle examine les principaux domaines d’avantages économiques plutôt que d’entreprendre une analyse coûts–avantages complète ou d’envisager les coûts de renonciation dans leur ensemble, tels que ceux de tout autre investissement potentiel non effectué. Elle présente une analyse économique s’appuyant en grande partie sur les prévisions du nombre de passagers de VIA-TGF, plutôt que de présenter un exercice complet de modélisation ascendante du transport. Les estimations quantitatives donnent lieu à des degrés d’incertitude.
L’état actuel des services ferroviaires pour passagers en Ontario et au Québec
Le corridor Toronto–Québec est la région la plus densément peuplée et la plus économiquement active du pays. S’étendant sur les grands centres urbains comme Toronto, Ottawa, Montréal et Québec, ce corridor comprend plus de 42 % de la population du Canada et constitue une artère vitale pour le transport de passagers et de marchandises. Malgré l’importance du corridor et son potentiel économique, les services ferroviaires pour passagers en Ontario et au Québec font face à de nombreux défis, et leur état général demeure un sujet de débat.
Les services ferroviaires pour passagers dans la région sont principalement fournis par VIA Rail, l’exploitant ferroviaire national, ainsi que des services de trains de banlieue comme GO Transit, en Ontario, et Exo, au Québec. VIA Rail exploite des trains de passagers interurbains reliant les grandes villes du corridor Toronto–Québec et offre une solution de rechange aux voitures ou à l’avion. Les itinéraires les plus populaires de VIA Rail comprennent les services Montréal–Toronto et Ottawa–Toronto, dont les trains effectuent plusieurs trajets par jour et desservent les passagers d’affaires, les touristes et les navetteurs quotidiens.
En plus des services existants de moyenne et longue distance de VIA Rail, les services de train de banlieue jouent un rôle clé dans le transport quotidien des résidents des centres urbains comme Toronto et Montréal. GO Transit, exploité par Metrolinx, est responsable des trains régionaux desservant la région du Grand Toronto et de Hamilton, tandis qu’Exo exploite des trains de banlieue dans la région métropolitaine de Montréal. Ces services offrent des liaisons essentielles aux navetteurs des banlieues qui se rendent aux grands carrefours d’emploi et en reviennent.
L’un des principaux défis auxquels font face les services ferroviaires passagers en Ontario et au Québec est que la grande majorité de l’infrastructure ferroviaire utilisée par VIA Rail appartient aux compagnies de transport ferroviaire de marchandises et est largement partagée avec les trains de marchandises, ce qui signifie que les trains de passagers doivent régulièrement céder le passage aux trains de marchandises. Il en découle des retards fréquents et des temps de déplacement plus longs, ce qui rend le transport ferroviaire pour passagers moins attrayant que les autres modes de transport, en particulier pour les passagers pour qui la fréquence, la vitesse et la ponctualité sont prioritaires. L’absence de voies réservées au transport ferroviaire pour passagers est un obstacle majeur à l’amélioration des temps de déplacement et à l’augmentation de la fréquence des services. Si l’on ne s’attaque pas à ce problème, il est difficile d’envisager un important virage vers le transport ferroviaire pour passagers, les voitures offrant une plus grande flexibilité et les avions offrant des vitesses de déplacement plus rapides une fois en vol. Une grande partie du réseau ferroviaire a été construite il y a plusieurs décennies et, malgré des travaux d’entretien et des mises à niveau périodiques, il est de plus en plus désuet en raison de son incapacité à permettre des vitesses plus élevées.
Le transport ferroviaire pour passagers peut avoir une faible intensité d’émissions. Toutefois, certains des avantages environnementaux potentiels des services ferroviaires en Ontario et au Québec n’ont pas encore été pleinement réalisés. De nombreux trains actuels de VIA Rail fonctionnent au diesel, ce qui contribue aux émissions de gaz à effet de serre et à la pollution atmosphérique. La transition vers le transport ferroviaire électrifié, qui réduirait considérablement les émissions, se fait lentement, et il n’y a actuellement aucun plan global d’électrification à grande échelle des services ferroviaires pour passagers existants de VIA Rail dans la région.
L’état actuel des services ferroviaires pour passagers en Ontario et au Québec et les possibilités d’amélioration ont incité le développement du projet de Train rapide le long du corridor Toronto–Québec, qui propose de réduire les temps de déplacement entre les grandes villes et d’offrir une solution de rechange plus concurrentielle au transport en avion et en voiture. Le projet procurerait également d’importants avantages environnementaux en réduisant les émissions de gaz à effet de serre associées au transport routier et aérien. De plus, des investissements dans des services ferroviaires améliorés permettraient de réduire encore plus les temps de déplacement, ce qui entraînerait des économies de temps supplémentaires et des avantages économiques connexes.
Engagement actuel du gouvernement à l’égard de l’amélioration des services ferroviaires
Le projet de Train rapide prévoit la construction d’environ 1 000 kilomètres de voies ferrées nouvelles, principalement électrifiées et réservées aux passagers, reliant les grands centres urbains comme Toronto, Ottawa, Montréal et Québec. À ce titre, il s’agirait de l’un des plus importants projets d’infrastructure de l’histoire du Canada. Il est dirigé par VIA-TGF, une société d’État qui collabore avec plusieurs organisations gouvernementales dont Services publics et Approvisionnement Canada; Logement, Infrastructures et Collectivités Canada; Transports Canada et VIA Rail, qui ont tous des rôles distincts à jouer au cours des phases d’approvisionnement. Sous réserve de l’approbation, on s’attend à ce qu’une entreprise privée soit nommée, dans le cadre d’un exercice d’approvisionnement (voir ci-dessous), pour construire et exploiter ces nouveaux services ferroviaires.
Cette nouvelle infrastructure ferroviaire améliorerait la fréquence, la vitesse et la fiabilité des services ferroviaires, ce qui permettrait aux Canadiens de se déplacer plus facilement dans les régions les plus densément peuplées du pays. Le projet a le potentiel de remplacer une partie importante des déplacements en voiture (qui représentent actuellement 94 % des trajets dans
le corridor Toronto–Québec) par des déplacements en train (qui ne représentent que 2 % du total
des trajets).
Le projet vise également à contribuer aux objectifs climatiques du Canada en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Les trains électrifiés et l’utilisation de la technologie à double alimentation (pour les segments de l’itinéraire qui pourraient encore nécessiter du diesel) réduiront considérablement l’empreinte environnementale des déplacements interurbains. Le projet devrait améliorer l’expérience des usagers de VIA Rail, car les voies réservées aux passagers réduiront les retards causés par le transport de marchandises, offrant aux passagers des départs plus rapides et plus fréquents et des temps de déplacement plus courts.
Au-delà des avantages environnementaux, le projet devrait stimuler la croissance économique en créant de nouveaux emplois dans le développement d’infrastructures, en soutenant de nouveaux centres économiques et en améliorant la connectivité entre les villes, les grands aéroports et les établissements d’enseignement.
Le projet est actuellement à la fin de la phase d’approvisionnement, à la suite de la publication d’une demande de propositions en octobre 2023. Dans le cadre de l’exercice d’approvisionnement, un partenaire du secteur privé sera choisi pour élaborer et exécuter conjointement le projet. La phase de conception, qui pourrait durer quatre ans ou plus, comprendra des examens réglementaires, des évaluations d’impact et l’élaboration d’une proposition finale qui sera soumise à l’approbation du gouvernement. Une fois la construction terminée, le transport des passagers devrait commencer d’ici 2040.
Le projet de Train rapide offre également des possibilités d’améliorer les services sur les voies existantes appartenant aux services de marchandises. Les services locaux de VIA Rail, qui sont actuellement offerts entre ces grandes villes, bénéficieront d’une intégration à ce projet. Bien que les niveaux de service définitifs ne soient pas encore déterminés, la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire réservée aux passagers devrait permettre à VIA Rail d’optimiser les fréquences et les horaires de transport, ce qui se traduirait par un service plus réactif et plus efficace pour les passagers. En plus, les heures de départ et d’arrivée pourraient être ajustées pour mieux répondre aux besoins des passagers, ce qui réduirait les temps de déplacement et augmenterait l’attrait du train comme mode de transport pour les loisirs et les affaires. Une fois que bon nombre des services pour passagers existants de VIA Rail seront désormais offerts sur des voies réservées, il sera possible de libérer de la capacité sur les réseaux existants de transport de marchandises. À ce titre, le transport ferroviaire de marchandises pourrait tirer parti d’une réduction de la congestion, ce qui pourrait soutenir une croissance économique générale en allégeant les chaînes d’approvisionnement et en améliorant l’efficacité du transport des marchandises partout au Canada.
La structure du projet permettrait des déplacements plus rapides par rapport aux services existants, mais à mesure que la phase de développement conjoint progressera, la possibilité d’atteindre des vitesses encore plus élevées sur certains segments des voies réservées sera examinée. L’atteinte de vitesses plus élevées n’est pas garantie en raison des changements importants à apporter à l’infrastructure et des coûts connexes, p. ex. une voie double complète et la fermeture d’environ 1 000 passages à niveau publics et privés. Cependant, la structure actuelle du projet offre la souplesse requise pour envisager des vitesses plus élevées là où des gains d’efficacité opérationnelle et financière et des avantages supplémentaires pour les usagers sont possibles.
Le projet actuel proposé de Train rapide vise à atteindre des objectifs sociaux et gouvernementaux plus généraux. Dans le contexte du maintien de la propriété publique, les partenaires de développement du secteur privé seront tenus de respecter les conventions collectives existantes. Les employés de VIA Rail conserveront leurs droits et leurs protections, la continuité d’emploi étant assurée par le Code canadien du travail et les obligations contractuelles pertinentes.
Précédent international
Le train à grande vitesse (TGV) existe déjà dans de nombreux pays, comme en font foi des exemples notables de mise en œuvre réussie en Asie de l’Est et en Europe. Au milieu de 2024, la Chine avait développé le plus grand réseau de TGV du monde, qui s’étendait sur plus de 40 000 kilomètres, suivi des réseaux de l’Espagne (3 661 km), du Japon (3 081 km) et de la France (2 735 km) (Statista 2024). Parmi les pays du G7, le Canada est le seul pays sans infrastructure de TGV, quoique les États-Unis offrent encore des services ferroviaires à grande vitesse relativement limités par l’entremise de l’Acela Express dans le corridor nord-est. Parmi les récents développements importants en matière de TGV, mentionnons la ligne Beijing-Shanghai en Chine (2 760 km), qui est le plus long itinéraire TGV au monde. En Europe, le High Speed 1 (HS1) du Royaume-Uni relie Londres à l’Europe continentale en passant par le tunnel sous la Manche. L’Italie a prolongé son réseau Alta Velocità grâce à l’achèvement de l’itinéraire Naples–Bari en 2023, réduisant considérablement les temps de déplacement entre les grandes villes du sud (RFI 2023). Le Maroc est récemment devenu la première nation africaine à mettre en œuvre le TGV grâce à son service Al Boraq entre Tanger et Casablanca (OCF 2022). En Asie du Sud-Est, le TGV de Jakarta–Bandung en Indonésie, achevé en 2023, est le premier système de TGV de la région (KCIC 2023). L’Inde installe actuellement le corridor de TGV Mumbai–Ahmedabad, le premier projet de train ultrarapide du pays, qui devrait commencer ses activités partielles d’ici 2024 (NHSRCL 2023).
Les retombées économiques du TGV ont fait l’objet d’études approfondies, en particulier en Europe. En Allemagne, Ahlfeldt et Feddersen (2017) ont analysé le rendement économique des régions longeant la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Cologne et Francfort : l’étude a révélé qu’en moyenne, six ans après l’ouverture de la ligne, le PIB des régions longeant la ligne était de 8,5 % supérieur aux calculs hypothétiques estimatifs de ces derniers. En France, Blanquart et Koning (2017) ont constaté que le réseau de TGV avait favorisé l’agglomération d’entreprises dans les alentours des gares, la valeur des propriétés augmentant de 15 à 25 % dans un rayon de 5 km des gares de TGV. Une évaluation du projet HS1 du Royaume-Uni prévoyait des avantages cumulatifs estimatifs de 23 à 30 milliards de dollars (prix de 2024, valeur actualisée, convertis en dollars canadiens) au cours de la durée de vie du projet, à l’exclusion des avantages économiques plus larges (Atkins 2014).
Le transfert modal et la croissance du nombre de passagers sont des facteurs essentiels contribuant aux avantages économiques. Le corridor Madrid–Barcelone en Espagne en constitue un exemple : le TGV a capturé plus de 60 % du marché combiné air–rail en trois ans d’exploitation, démontrant que le TGV peut avoir un avantage concurrentiel sur le transport aérien de moyenne distance (Albalate et Bel 2012). Cependant, l’analyse de la Cour européenne de l’arbitrage (2018) suggère que certains volumes de passagers (estimés à neuf millions) sont requis pour que les itinéraires de TGV aient un effet bénéfique net, et alors que certains itinéraires européens de TGV ont atteint ce niveau (y compris l’itinéraire Madrid–Barcelone), cela n’est pas le cas pour d’autres. Aux États-Unis, on estime que le service Amtrak Acela entre Boston et Washington D.C. compte de 3 à 4 millions de passagers (Amtrak 2023). Pour certaines lignes ferroviaires à grande vitesse, le nombre de passagers est favorisé par la politique environnementale du gouvernement. Par exemple, le gouvernement a demandé directement à Air France de réduire la fréquence des vols court-courriers sur les itinéraires où il existait une option ferroviaire réalisable (Reiter et coll. 2022). Dans l’ensemble, la croissance du nombre de passagers constitue une hypothèse clé concernant les avantages découlant du projet de Train rapide.
En ce qui concerne les avantages environnementaux du TGV, une étude détaillée de l’Agence européenne pour l’environnement (2020) a révélé que le TGV produit environ 14 g de CO₂ par passager-kilomètre, par rapport à 158 g pour le transport aérien et à 104 g pour les véhicules privés. Au Japon, la Central Japan Railway Company rapporte que le système de TGV Shinkansen consomme environ un sixième de l’énergie par passager-kilomètre par rapport au transport aérien. L’analyse de l’empreinte carbone effectuée par l’UIC (2019) a démontré que l’infrastructure de TGV, malgré les coûts initiaux élevés du carbone pendant la construction, atteint généralement la neutralité carbone dans les 4 à 8 ans suivant sa mise en service grâce à une réduction des émissions attribuable au transfert modal.
Les avantages socioéconomiques du TGV ne se limitent pas aux répercussions directes sur les usagers du transport ferroviaire. En Espagne, la ligne ferroviaire à grande vitesse Madrid–Barcelone a permis d’améliorer les interactions commerciales en offrant un plus grand nombre de voyages aller-retour le jour même et en augmentant la productivité des entreprises (Garmendia et coll. 2012). Des recherches ont démontré que les villes chinoises reliées par TGV ont observé une augmentation de 20 % de la collaboration commerciale interrégionale, ce qui pourrait constituer une preuve d’amélioration de la diffusion des connaissances et de l’innovation (Wang et Chen 2019).
Cependant, la mise en œuvre du TGV n’est pas sans défis. L’analyse de 258 projets d’infrastructure de transport par Flyvbjerg (2007) a révélé que les projets ferroviaires faisaient régulièrement face à des dépassements de coûts d’environ 45 % en moyenne. Par exemple, les coûts du projet de train à grande vitesse de la Californie aux États-Unis sont passés de 33 milliards de dollars en 2008, selon la première estimation, à plus de 100 milliards de dollars en 2022, soulignant l’importance de projections de coûts réalistes et d’une gestion de projet robuste.
Les retombées positives sur le marché du travail sont également évidentes, bien qu’elles varient selon la région. Des études réalisées au Japon par Kojima et coll. (2015) ont démontré que les villes desservies par le Shinkansen ont observé une augmentation de 25 % de l’emploi dans les services aux entreprises sur une période de 10 ans après la connexion. Des études européennes, en particulier celles menées en France et en Espagne, montrent des effets plus modestes quoique positifs sur l’emploi, dont le taux de croissance est de 2 à 3 % plus élevé dans les villes connectées que dans les villes similaires non connectées (Crescenzi et coll. 2021).
Pour ce qui est du développement de réseaux de TGV, l’expérience internationale laisse croire l’existence de plusieurs facteurs de succès critiques, notamment la sélection minutieuse des corridors en fonction de la densité de la population et de l’activité économique, l’intégration aux réseaux de transport existants et les mécanismes de financement durable. L’expérience de l’Union européenne, documentée par Vickerman (2018), souligne l’importance des effets de réseau pour constater que la valeur du TGV augmente considérablement lorsqu’il relie plusieurs grands centres économiques.
Méthodologie
Cette étude repose sur des données de VIA-TGF et de Statistique Canada, sur des rapports antérieurs sur les propositions d’infrastructure ferroviaire au Canada et sur des études connexes afin de réaliser une évaluation économique des avantages potentiels du projet de Train rapide proposé. Les hypothèses clés présentées dans cette analyse reposent sur les modèles de transport publiés, les lignes directrices de modélisation et un vaste ensemble de recherches. La méthodologie s’inspire largement du Business Case Manual Volume 2: Guidance de Metrolinx, qui s’inspire lui-même des lignes directrices sur l’évaluation des transports reconnues à l’échelle internationale établies par le Department for Transport du gouvernement britannique. Ces lignes directrices établies offrent des pratiques exemplaires et des normes qui fournissent un cadre structuré et fiable pour estimer les avantages. En s’alignant sur des méthodologies éprouvées en matière d’évaluation de projets de transport et d’infrastructure, la présente étude assure la rigueur et la robustesse de la modélisation et de l’analyse économiques.
L’itinéraire proposé comprend quatre gares principales : Toronto, Ottawa, Montréal et Québec. On s’attend à ce que ces grands centres urbains profitent des répercussions les plus importantes sur l’achalandage et les avantages connexes. L’itinéraire proposé compte trois autres gares (Trois-Rivières, Laval et Peterborough), bien que celles-ci devraient produire un effet plus limité sur les résultats globaux de la modélisation en raison de leurs populations plus petites. D’après les données prévisionnelles sur l’achalandage fournies par VIA-TGF pour les déplacements entre les quatre gares principales, notre modèle désigne ces régions comme quatre zones distinctes afin de faciliter l’estimation des avantages. La figure 1 ci-dessous illustre l’itinéraire proposé pour le projet de Train rapide et met en évidence les différentes zones modélisées dans cette analyse.
Selon les projections actuelles de VIA-TGF, les itinéraires devraient devenir opérationnels entre 2039 et 2042. Conformément aux évaluations typiques des transports, le présent rapport estime et monétise les avantages économiques et sociaux du projet sur une période de 60 ans, en faisant la somme les avantages cumulatifs de 2039 à 2098 inclusivement. Pour calculer la valeur actualisée totale (en date de 2024) de ces avantages, les avantages annuels sont actualisés à un taux d’actualisation social de 3,5 %, conformément à ce que fait Metrolinx, puis agrégés sur toutes les années d’avantages.
Notre modèle examine plusieurs scénarios pour évaluer l’éventail des avantages potentiels dans diverses conditions. Les principaux scénarios du projet de Train rapide portent sur le train conventionnel (TC) et le train à grande vitesse (TGV). Ces scénarios se distinguent par des différences dans le temps de déplacement moyen, le TGV bénéficiant de vitesses beaucoup plus rapides que le TC, et donc de temps de déplacement moins longs (voir le tableau 2).
Dans chacun de ces scénarios, nous examinons trois sous-scénarios tirés des projections modélisées des passagers de VIA-TGF – milieu à la baisse et à la hausse – ainsi qu’un autre sous-scénario (appelé l’étude de faisabilité de 2011 dans les figures) fondé sur des estimations modélisées antérieures d’une ligne ferroviaire réservée aux passagers dans le corridor. Le sous-scénario milieu fournit les prévisions de base de VIA-TGF pour la croissance du nombre de passagers à bord du TC et du TGV. Le sous-scénario à la hausse reflète les hypothèses les plus favorables de VIA-TGF concernant la demande de passagers, tandis que le sous-scénario à la baisse représente les hypothèses les moins favorables de l’organisation.
L’utilisation des projections du nombre de passagers de VIA-TGF est contre-vérifiée de deux façons : Premièrement, notre analyse modélise un autre scénario de croissance du nombre de passagers (étude de faisabilité de 2011), qui est fondé sur le taux de croissance projeté des trajets de passagers, tel qu’il est décrit dans l’Étude d’actualisation concernant la faisabilité d’un train à haute vitesse dans le corridor Québec–Windsor de Transports Canada (2011).2L’étude de faisabilité d’un train à grande vitesse dans le corridor Québec–Windsor a été réalisée au nom de Transports Canada (TC), du ministère des Transports de l’Ontario (MTO) et du ministère des Transports du Québec (MTQ) en 2011. Elle modélisait le corridor complet de Québec à Windsor, tandis que la liaison VIA-HRF proposée relie Québec à Toronto. Dans notre analyse, nous neutralisons cette différence en utilisant la variation en pourcentage de la croissance du nombre de passagers dans l’étude de 2011, plutôt que des niveaux absolus. L’analyse de cette étude a été effectuée par un consortium de consultants externes. Deuxièmement, nous avons examiné le nombre de passagers dans d’autres pays (voir ci-dessus et ci-dessous).
En l’absence d’investissements dans le projet de Train rapide, les projections de la demande de passagers du scénario de référence de VIA-TGF indiquent, d’ici 2050, environ 5,5 millions de trajets par année effectués par les services existants de VIA Rail dans le corridor. En revanche, en investissant, la demande annuelle prévue varie de 8 à 15 millions de trajets pour le TC, et entre 12 et 21 millions de trajets pour le TGV d’ici 2050, dans tous les sous-scénarios décrits ci-dessus. Les figures 2 et 3 illustrent ces chiffres projetés de l’achalandage dans le cadre des scénarios utilisant le TC et le TGV pour chaque sous-scénario, ainsi que par rapport au scénario de référence.
Dans les scénarios utilisant le TC et le TGV, bien que la grande majorité des usagers du transport ferroviaire devraient utiliser les nouveaux services ferroviaires réservés aux passagers, les prévisions du nombre de passagers de VIA-TGF indiquent que certains usagers du transport ferroviaire dans le corridor continueront d’utiliser les services sur la ligne existante de VIA Rail, par exemple parce qu’ils se déplacent entre les gares intermédiaires (Kingston–Ottawa). Le tableau ci-dessous illustre la répartition selon le sous-scénario milieu pour le train à grande vitesse.
Avantages pour les usagers
Les avantages pour les usagers que procureraient les projets de transport comme le TC/TGV peuvent être largement interprétés comme les avantages tangibles et intangibles que les passagers du transport ferroviaire tirent de l’amélioration des services. Ces avantages comprennent la valeur découlant du temps gagné, d’une fiabilité accrue, d’une réduction de la congestion et de l’amélioration globale des déplacements. Pour ce qui est des projets de transport en commun comme le TC/TGV, les avantages pour les usagers sont souvent des facteurs clés qui justifient l’investissement en raison de leurs vastes retombées sociales et économiques.
Les projets d’infrastructure ferroviaire peuvent permettre de réduire le « coût généralisé » des déplacements entre les régions, ce qui profite directement aux usagers existants du transport ferroviaire ainsi qu’aux nouveaux usagers. Le concept de coût généralisé dans l’économie du transport fait référence au coût total subi par un voyageur, en tenant compte non seulement des dépenses (comme le prix des billets ou le carburant), mais aussi des facteurs non pécuniaires tels que le temps de déplacement, la fiabilité, le confort et l’accessibilité.
Les investissements qui améliorent le transport en commun peuvent réduire les coûts généralisés de plusieurs façons. Un service uniforme et à temps réduit l’incertitude, les inconvénients et l’insatisfaction associés aux retards. Des services plus fréquents offrent aux passagers une plus grande souplesse et des temps d’attente réduits. Un encombrement réduit peut rendre les déplacements plus confortables, réduisant ainsi la désutilité associée aux services bondés. Des services améliorés tels que de meilleurs sièges, une connexion Wi-Fi ou des installations améliorées dans les gares peuvent augmenter la satisfaction des usagers. Un meilleur accès aux gares ou aux arrêts de transport en commun peut faciliter l’intégration dans les déplacements quotidiens, ce qui augmente la commodité pour les passagers existants et les nouveaux passagers. Un trajet plus court peut réduire le temps de déplacement, qui est souvent très apprécié des passagers.
Dans le présent document, les avantages pour les usagers sont estimés en fonction de trois composantes de base : les économies de temps de déplacement basées sur des temps de déplacement planifiés plus rapides, une fiabilité accrue (retards moyens plus faibles en plus du temps de déplacement prévu) et l’avantage psychologique d’un trajet plus fiable. Dans notre analyse, le bassin d’usagers est composé des usagers existants qui sont déjà des passagers de VIA Rail dans ce corridor, ainsi que de nouveaux usagers qui ne sont pas déjà des passagers du transport ferroviaire. Cette catégorie de nouveaux usagers comprend deux sous-groupes. Tout d’abord, les nouveaux usagers comprennent les personnes qui devraient passer au train et délaisser les autres modes de transport, comme les voitures, les autobus et les avions – appelés « transitionneurs ». Deuxièmement, les nouveaux usagers comprennent également les personnes qui sont incitées à commencer à utiliser le TC/TGV à la suite de l’introduction de ces nouveaux services – connus sous le nom de passagers « incités ». Dans l’ensemble, cette approche tient compte des avantages complets pour les usagers du TC/TGV en reconnaissant que l’efficacité du temps, la fiabilité accrue et la plus grande satisfaction de la clientèle ont une valeur substantielle pour les passagers existants et les nouveaux passagers. La répartition des nouveaux usagers entre les transitionneurs et les usagers incités – y compris la répartition des usagers incités entre les modes de transport existants, principalement le transport routier et aérien – est fondée sur l’étude de faisabilité de 2011 du gouvernement fédéral, bien que la modélisation dans le présent Commentaire entreprenne également une analyse de sensibilité fondée sur les estimations de VIA-TGF pour ces proportions. L’approche d’estimation des avantages pour les usagers du transport ferroviaire est abordée ci-dessous.
La modélisation de la présente étude tient compte des projections du nombre de passagers pour les services existants de VIA Rail (dans le cadre d’un scénario « sans investissement ») et pour les projets de TC/TGV proposés, provenant de prévisions de transport modélisées par VIA-TGF. Cela permet d’obtenir des prévisions pour les usagers existants et les nouveaux usagers.
Conformément à la formule (ci-dessus) relative aux avantages pour les usagers, la présente étude estime la réduction des coûts généralisés (C1 – C0) découlant du nouveau service de transport par TC/TGV. Étant donné que le prix des billets pour le TC/TGV proposé est encore indéterminé, nous n’avons supposé aucun changement par rapport aux tarifs actuels de VIA Rail, bien que cela fasse l’objet d’une discussion dans le cadre de l’analyse de sensibilité. Le modèle tient compte d’une réduction des coûts généralisés attribuable à des temps de déplacement plus courts et à une fiabilité accrue du service à bord du TC/TGV. Le tableau 2 montre une comparaison des temps de déplacement moyens prévus (en date de 2023) pour les services existants de VIA Rail, par rapport aux temps de déplacement prévus dans le cadre des services de TC/TGV proposés, sur différents itinéraires.
En plus des économies de temps de déplacement fondées sur les temps de déplacement prévus, une caractéristique importante du projet de TC/TGV est le fait qu’une nouvelle ligne ferroviaire réservée aux passagers peut réduire le risque de retards. Pour estimer la réduction des retards de déplacement à bord du TC/TGV, nous avons d’abord calculé un facteur de retard propre au service existant de VIA Rail et au TC/TGV proposé, d’après les données et les hypothèses en matière de ponctualité. Les données actuelles indiquent que les services de VIA Rail sont à l’heure (atteignant la destination dans les 15 minutes suivant l’heure d’arrivée prévue) pour environ 60 % des trajets. Par conséquent, VIA Rail connaît des retards (arrivée plus de 15 minutes plus tard que prévu) environ 40 % du temps. Les données montrant la durée moyenne des retards ne sont pas disponibles et, par conséquent, nous estimons que chaque retard est de 30 minutes en moyenne, d’après les recherches et les discussions avec les intervenants. Le TC/TGV fournirait un service ferroviaire réservé aux passagers, qui aurait un taux de retard beaucoup plus faible. Notre modèle suppose que le TC/TGV viserait à améliorer considérablement la ponctualité, ses arrivées ayant lieu à l’heure (dans les 15 minutes) dans 95 % des trajets (Rungskunroch 2022), ce qui veut dire que 5 % (ou moins) des trains arriveraient en retard.
Ensemble, l’arrivée plus rapide des trains et la réduction du nombre de retards permettraient toutes deux aux usagers d’économiser du temps. Les réductions du temps de déplacement estimées sont calculées à partir de la différence entre les temps de déplacement prévus pour le TC/TGV et les temps de déplacement moyens actuellement atteints par VIA Rail. La valeur temporelle est monétisée en appliquant une valeur de 21,45 $ l’heure, calculée en ajustant la valeur temporelle recommandée par le Business Case Manual Volume 2: Guidance de Metrolinx (18,79 $ l’heure, en dollars de 2021) en dollars de 2024 au moyen de l’indice des prix à la consommation (IPC). Cette valeur demeure constante (en termes réels) au cours de notre période de modélisation.
Il y a un coût psychologique supplémentaire relatif au manque de fiabilité associé aux retards. Les lignes directrices et la documentation sur l’évaluation des transports attribuent généralement un multiplicateur à la valeur temporelle pour les retards imprévus. La modélisation de cette étude fait appel à un multiplicateur de 3 pour le retard, ce qui est conforme aux lignes directrices gouvernementales d’évaluation des transports au Royaume-Uni et en Irlande (Department for Transport du Royaume-Uni 2015, Department of Transports de l’Irlande 2023). Certaines publications universitaires révèlent que les multiplicateurs peuvent être encore plus élevés, bien qu’ils varient en fonction de la distance du trajet et du but (Rossa et coll. 2024). Dans l’ensemble, l’ajustement pour les retards augmente la valeur du TC/TGV pour les usagers du transport ferroviaire en raison de son amélioration de la fiabilité et entraîne une légère augmentation des avantages totaux pour les usagers du TC/TGV.
La modélisation combine ces avantages pour les usagers et effectue un ajustement final pour compenser les taxes indirectes nettes, en veillant à ce que les avantages économiques soient calculés sur une base similaire des coûts engagés par VIA-TGF (Metrolinx 2021). La valeur temporelle pour les usagers individuels tient implicitement compte des taxes indirectes payées, tandis que les investissements de VIA-TGF ne sont pas assujettis aux taxes indirectes. Le taux de taxation indirecte de l’Ontario (taux de la taxe de vente harmonisée de 13 %) a été utilisé dans la modélisation (Metrolinx, 2021).
La modélisation ne suppose aucune variation des prix des billets dans le cadre des services de TC/TGV proposés par rapport aux services existants de VIA Rail. Les avantages pour les usagers dans l’analyse sont dérivés uniquement des temps de déplacement plus courts et de l’amélioration de la fiabilité. Cette approche permet d’estimer, en premier lieu, les avantages potentiels des économies de temps et de la fiabilité. Bien que les prix des billets de TC/TGV ne soient pas encore déterminés, il est tout de même possible de considérer les répercussions des changements du prix des billets comme un ajustement secondaire, qui fait l’objet d’une discussion dans l’analyse de sensibilité ci-dessous.
Congestion et sécurité sur le réseau routier
En plus des avantages pour les usagers du transport ferroviaire, le projet de TC/TGV proposé procurerait également des avantages aux usagers de la route grâce à la décongestion et à une réduction potentielle des accidents de la circulation.
Lorsque de nouvelles options de déplacement deviennent disponibles, comme l’amélioration des services ferroviaires, certains passagers passent de la conduite au transport en commun, ce qui réduit le nombre de véhicules sur la route. Cette diminution du nombre de kilomètres-véhicule parcourus (KVP) réduit la congestion routière, ce qui procure des avantages aux autres usagers de la route. La diminution de la congestion entraîne des temps de déplacement plus courts et peut également réduire les coûts d’exploitation des véhicules, en particulier en ce qui concerne l’efficacité énergétique et l’usure des véhicules.
Notre modèle de recherche comprend une prévision de la façon dont l’amélioration du transport ferroviaire pourrait entraîner des avantages liés à la décongestion pour les automobilistes dans les corridors bondés. Grâce à l’expérience de déplacement plus rapide et plus fiable offerte par le TC/TV par rapport aux services existants de VIA Rail, la modélisation du nombre de passagers de VIA-TGF prévoit des changements dans les habitudes de déplacement, une proportion importante de nouveaux usagers du transport ferroviaire étant d’anciens usagers du transport routier. Ces changements réduisent la congestion routière et, à leur tour, entraînent des avantages en matière de bien-être pour ceux qui continuent d’utiliser les routes.
L’analyse des données canadiennes sur l’utilisation des routes, recoupée avec les données plus granulaires sur la circulation provenant du Royaume-Uni, suggère que la proportion de KVP routiers existants est de 37 % aux heures de pointe et de 63 % hors des heures de pointe, selon l’horaire quotidien de Metrolinx des périodes de pointe par rapport aux périodes hors pointe (Metrolinx 2021, Statistique Canada 2014, ministère des Transports 2024). Cette information permet de déterminer une incidence moyenne pondérée estimée de la congestion routière d’environ 0,004 heure/KVP. Les économies de temps sont converties en valeurs pécuniaires (en utilisant 21,45 $ l’heure, en dollars de 2024) pour estimer les avantages économiques de la réduction de la congestion routière.
En pratique, il est peu probable que le nombre exact d’usagers qu’il y aura en moins sur la route soit identique au nombre exact d’usagers qui devraient passer du transport routier au transport ferroviaire. Premièrement, le niveau hypothétique de congestion routière (sans TC/TGV) changera au fil du temps en fonction de la croissance démographique, de l’investissement dans les réseaux routiers (comme l’expansion des autoroutes), de l’évolution des options de transport aérien et de facteurs plus généraux. On ne connaît pas précisément bon nombre de ces facteurs (p. ex. les décisions d’investissement concernant l’expansion des autoroutes au cours des prochaines décennies), de sorte que les hypothèses donnent nécessairement lieu à des incertitudes. Deuxièmement, si certains usagers de la route passent au transport ferroviaire en raison d’investissements dans le TC/TGV, la réduction initiale (directe) de la congestion ferait baisser le coût des déplacements routiers, incitant ainsi un « retour » ultérieur (indirect) sur la route de certains usagers (connu sous le nom d’effet d’équilibre général). La modélisation des répercussions de la congestion dans cette étude est nécessairement une simplification, qui met l’accent sur les répercussions directes de la décongestion, en fonction du nombre prévu d’usagers qui passent de la route au transport ferroviaire.
En plus de décongestionner les routes, le TC/TGV peut également en améliorer la sécurité globale en réduisant le nombre de collisions de véhicules. Non seulement les collisions causent-elles des dommages physiques, mais elles entraînent également des coûts économiques et sociaux, notamment des conséquences émotionnelles pour les victimes et les familles, une perte de productivité causée par les blessures ou les décès, et des coûts associés au traitement des blessures liées aux accidents. Les accidents de la route peuvent causer des perturbations qui retardent d’autres passagers, augmentant ainsi les coûts économiques, et peuvent également entraîner des dépenses publiques plus importantes en raison des interventions d’urgence.
Comme on s’attend à ce que le TC/TGV fasse passer certains usagers de la route vers le train, cette étude modélise la réduction prévue du nombre de KVP associés à la route. Cette estimation de la réduction du nombre de KVP associés à la route est convertie en une valeur pécuniaire hypothétique de 0,09 $/KVP en dollars de 2024, qui sera réduite de 5,3 % par an dans les années à venir pour tenir compte des améliorations générales de la sécurité sur le réseau routier au fil du temps (notamment grâce à des améliorations technologiques) et de la réduction du nombre d’accidents par an (Metrolinx 2018, Metrolinx 2021).
Agglomération
Les économies d’agglomération constituent les avantages économiques qui surviennent lorsque les entreprises et les particuliers sont situés plus près les uns des autres. Il en résulte des gains de productivité qui s’ajoutent aux avantages directs pour les usagers. Ces gains peuvent provenir d’une meilleure correspondance avec le marché du travail, de la diffusion des connaissances et de liens avec la chaîne d’approvisionnement, ce qui profite à des groupes d’entreprises au sein d’industries précises (économies de localisation) ainsi que dans de multiples industries (économies d’urbanisation). Là où les entreprises se regroupent plus étroitement, par exemple dans des environnements denses et urbanisés, elles bénéficient de la proximité de marchés plus vastes, de fournisseurs variés et de services publics accessibles. Par exemple, si une entreprise manufacturière déménage dans un pôle urbain comme Montréal, les avantages en matière de productivité peuvent se répercuter sur toutes les industries à mesure que la densité économique et l’échelle d’activité de la région augmentent. L’agglomération peut permettre des avantages économiques à long terme, grâce à la collaboration entre les entreprises, les universités et les centres de recherche, en stimulant la recherche et le développement, en soutenant l’innovation et en permettant à de nouvelles industries de se développer et de croître.
Les investissements dans les transports procurent des avantages économiques et améliorent la productivité grâce à aux économies d’urbanisation et de localisation. Les économies d’urbanisation (Jacobs, 1969) font référence aux avantages découlant du fait qu’une entreprise est située dans une grande zone urbaine ayant une population et une base d’emploi solides. Ce type d’agglomération permet aux entreprises de tirer parti de marchés plus larges et d’avantages en matière d’infrastructure, réalisant ainsi des économies d’échelle indépendantes de l’industrie. À l’inverse, les économies de localisation (Marshall 1920) se concentrent sur les gains de productivité au sein d’une industrie précise, où les entreprises situées à proximité l’une de l’autre peuvent se regrouper pour bénéficier d’un bassin de main-d’œuvre spécialisé et de chaînes d’approvisionnement plus efficaces. Par exemple, lorsque plusieurs entreprises manufacturières se regroupent dans une région, leur proximité leur permet de créer conjointement une main-d’œuvre spécialisée et d’échanger les connaissances de l’industrie, créant ainsi des gains de productivité propres à cette industrie.
En pratique, l’amélioration des transports peut entraîner des effets d’agglomération de deux façons : la première est le « regroupement statique », soit lorsque les améliorations de la connectivité facilitent un plus grand mouvement entre les regroupements existants d’entreprises et une amélioration de l’accès au marché du travail, sans modifier l’utilisation des terres. Pour les particuliers et les entreprises dans leurs emplacements existants, une connectivité améliorée réduit les temps de déplacement et les coûts des interactions, de sorte que les particuliers et les entreprises sont effectivement plus proches les uns des autres et que les zones concernées ont une densité effective plus élevée.
Deuxièmement, le « regroupement dynamique » peut se produire lorsque les investissements dans les transports font modifier le lieu ou la densité réelle de l’activité économique. Le regroupement dynamique peut entraîner une augmentation ou une diminution de la densité dans certaines zones, ce qui a une incidence sur les niveaux de productivité globaux entre les régions en modifiant la répartition de la main-d’œuvre et des entreprises. Sur le plan conceptuel, les avantages du regroupement dynamique et du regroupement statique se recoupent.
L’analyse de la présente étude est fondée sur les effets du regroupement statique, en mettant l’accent sur les avantages en matière de productivité découlant de l’amélioration de la connectivité sans modéliser les changements potentiels dans l’utilisation des terres ou la densité réelle. Cette approche estime les gains économiques directs découlant de la réduction des temps de déplacement et de l’amélioration de l’accessibilité au sein des structures urbaines et industrielles existantes. Les avantages découlant du regroupement dynamique sont sujets à une plus grande incertitude parce qu’il peut comprendre le déplacement de l’activité économique entre les régions. De plus, les variations de densité d’une région à l’autre pourraient être influencées par des facteurs externes – comme les politiques économiques régionales, la disponibilité des logements ou les exigences propres à l’industrie – qui exigeraient un exercice de modélisation beaucoup plus approfondi et granulaire. Dans l’ensemble, le fait de mettre l’accent sur le regroupement statique procure une estimation des avantages plus prudente sur le plan conceptuel.
Pour estimer les économies d’agglomération associées au projet de TC/TGV, nous employons une méthodologie d’évaluation du transport bien établie pour l’estimation de l’agglomération (Metrolinx 2021). L’analyse contenue dans la présente étude applique une simplification pour tenir compte de la disponibilité des données, c’est-à-dire que l’analyse est effectuée à l’échelle de l’économie, plutôt que d’effectuer et d’agréger une série d’analyses propres au secteur.
Dans l’ensemble, le modèle en trois étapes estime ces effets d’agglomération en fonction des variations du PIB. Dans la première étape, le coût généralisé du trajet (CGT) entre chaque paire de zones est calculé. Ce CGT sert de coût moyen de déplacement pour divers modes de transport (p. ex. route, train, avion) en tenant compte des temps de déplacement et des prix des billets. Le CGT est estimé à la fois pour le scénario de référence (services existants de VIA Rail) et le scénario d’investissement (TC/TGV), sur plusieurs années de projection. En raison de la sensibilité des calculs d’agglomération, dans la base de référence, on suppose que le CGT est équivalent pour le TC/TGV, la route et l’avion, et dans le scénario d’investissement, le CGT pour la route et le train sont réduits au moyen du principe de la règle de la moitié (voir la figure 5). La base de référence utilise les données pancanadiennes sur les kilomètres-véhicule de Statistique Canada pour estimer les parts modales des passagers (sur les services existants de VIA Rail, la route et l’avion) pour 2024, les parts modales demeurant constantes au fil du temps dans la base de référence (Transports Canada 2021, Transports Canada 2018, Statistique Canada 2016). Dans les scénarios, les parts modales sont ajustées pour les passagers qui passent des services existants de VIA Rail (et d’autres modes de transport) existants au TC/TGV, ainsi que pour les passagers incités.
Dans la deuxième étape, la densité effective de chacune des quatre zones est calculée dans tous les scénarios. La densité effective augmente dans les scénarios d’investissement parce que le TC/TGV fait baisser le CGT et améliore la connectivité entre les zones.
Dans la troisième étape, les changements de densité effective entre les scénarios sont convertis en gains de productivité mesurés en tant que changements dans le PIB, en utilisant un paramètre de décroissance de 1,8 et une élasticité d’agglomération de 0,046 (Metrolinx 2021). Le paramètre de décroissance (étant supérieur à 1) réduit les avantages de l’agglomération entre les régions qui sont plus éloignées les unes des autres, de sorte que les gains de productivité estimés (découlant d’une plus grande connectivité) sont plus élevés pour les zones plus proches les unes des autres. L’élasticité de l’agglomération constitue – selon les publications universitaires – la sensibilité supposée du PIB aux changements d’agglomération. Approximativement, une élasticité de 0,046 suppose qu’une augmentation de 1 % de l’estimation calculée de la densité effective (voir l’étape 2) correspondrait à une augmentation de 0,046 % du PIB. Les données sur le PIB et l’emploi proviennent des tableaux statistiques de Statistique Canada, et on suppose que la croissance de l’emploi prévue s’harmonise avec les taux de croissance démographique projetés de Statistique Canada.
Émissions
Les effets environnementaux des transports créent une autre source de retombées économiques. La présente étude tient compte des principales dimensions – les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la qualité de l’air – qui contribuent chacune aux répercussions externes sur le bien-être des populations et des écosystèmes.
Les transports représentent environ 22 % des émissions de GES du Canada (Rapport d’inventaire national de 2024 du Canada), principalement attribuables aux automobiles, au transport en commun et au transport de marchandises. Les émissions provenant des GES, en particulier le dioxyde de carbone, ont une incidence importante sur le climat mondial en contribuant à des phénomènes tels que l’élévation du niveau de la mer, l’évolution des régimes de précipitations et les phénomènes météorologiques extrêmes. Le cadre du coût social du carbone (CSC), publié par Environnement et Changement climatique Canada, attribue une valeur pécuniaire à ces émissions en tenant compte des dommages mondiaux causés par une tonne supplémentaire de CO₂ libérée dans l’atmosphère. Les valeurs du CSC du gouvernement fédéral ont été publiées en 2023, plus récemment que les valeurs recommandées par les lignes directrices de Metrolinx pour 2021, et par conséquent, les valeurs du gouvernement sont utilisées pour la modélisation dans cette étude (Gouvernement du Canada 2023, Metrolinx 2021). Pour le CSC, les données du Tableau sur les émissions de gaz à effet de serre d’Environnement et Changement climatique Canada sont utilisées et rajustées aux valeurs de 2024 à l’aide de l’IPC. Dans le cadre de la modélisation, les valeurs du CSC passeraient de 303,6 CAD (en 2024) à 685,5 CAD (en 2098). L’utilisation du CSC dans les analyses coûts–avantages permet de prendre des décisions plus éclairées sur les investissements dans les transports en calculant les coûts et les avantages
du bien-être associés aux émissions dans le cadre
de scénarios d’investissement et de maintien du statu quo.
Un ensemble plus large de polluants émis par les véhicules – y compris le CO, les NOx, le SO₂, les COV, les PM10 et les PM2,5 – présentent d’autres risques pour la santé et causent des problèmes respiratoires, des maladies cardiaques et même le cancer. Ces composés nocifs, classés comme principaux contaminants atmosphériques (PCA), ont une incidence sur les personnes vivant ou travaillant à proximité de l’infrastructure de transport, ce qui entraîne des coûts sociétaux externes qui ne sont pas entièrement perçus par les usagers directs du réseau de transport. L’Outil d’évaluation des bénéfices liés à la qualité de l’air (OEBQA) de Santé Canada quantifie les effets des PCA sur la santé et permet d’évaluer le fardeau économique total de la mauvaise qualité de l’air au moyen d’une combinaison de données locales sur la pollution et de fonctions concentration-réponse (FCR), qui associent les polluants à des effets nocifs sur la santé. De plus, l’OEBQA tient compte des effets de la pollution atmosphérique sur l’agriculture et la visibilité, ce qui permet aux analystes d’estimer les avantages globaux de la réduction des émissions liées au transport pour les collectivités partout au Canada.
Cette étude indique que le TC/TGV a le potentiel de réduire les émissions sur plusieurs fronts. Premièrement, en tant que système ferroviaire électrifié, le TC/TGV est capable de fonctionner sans aucune émission et constitue donc une solution de rechange plus propre aux services ferroviaires existants. Si VIA Rail interrompt certains services sur des itinéraires qui chevauchent le TC/TGV, les émissions provenant du transport ferroviaire dans ces zones diminueront, conformément à ses prévisions de planification. De plus, on s’attend à ce que les vitesses plus élevées et la fiabilité accrue du TC/TGV attirent plus de passagers au fil du temps, ce qui encouragera le délaissement des modes de transport à plus forte intensité de carbone, comme les voitures et les avions. Ce changement prévu entraînerait une réduction des émissions globales provenant des véhicules privés et du transport aérien régional, ce qui contribuerait à l’impact environnemental positif du TC/TGV.
En tenant compte des mesures du CSC et de l’OEBQA, l’analyse offre une évaluation holistique des avantages environnementaux et sociaux de la réduction des émissions et de l’amélioration de la qualité de l’air grâce au TC/TGV, permettant ainsi de saisir les conséquences externes sur le bien-être en plus des répercussions directes sur les usagers. Les coûts unitaires des PCA (voir le tableau 3 ci-dessous) proviennent de Metrolinx (2021) et sont également rajustés selon l’IPC en fonction des prix de 2024.
Résultats et analyse
La présente section présente les avantages potentiels du TC/TGV dans divers scénarios et sous-scénarios, couvrant la mise en œuvre du projet sur 60 ans (2039 à 2098, inclusivement). Les résultats sont présentés en valeur actualisée de 2024 et cumulés sur la période de 60 ans, conformément à la documentation sur l’analyse coûts– avantages (ACA) (p. ex. Metrolinx 2021). Cette valeur actualisée cumulative représente la valeur totale des avantages pour 2098, les avantages des années à venir ayant été actualisés aux valeurs de 2024. La figure 6 ci-dessous illustre la valeur actualisée cumulative totale des avantages pour le projet de TC/TGV proposé, selon différents scénarios et sous-scénarios de croissance du nombre de passagers dans notre modèle.
Comme le sous-scénario TGF à la hausse est le plus optimiste en raison de la vitesse plus élevée du train et de son taux de croissance projeté le plus élevé pour le transport ferroviaire de passagers, il produit le plus grand avantage économique total, estimé à environ 27 milliards de dollars. À l’inverse, le sous-scénario TC à la baisse suppose une vitesse comparativement moins élevée et un taux de croissance plus faible pour le transport ferroviaire de passagers, procurant ainsi l’avantage le moins élevé parmi tous les sous-scénarios, estimé à environ 11 milliards de dollars. Cet éventail de résultats souligne que les avantages économiques sont sensibles aux hypothèses concernant la vitesse et la croissance du nombre de passagers, faisant ainsi ressortir l’importance de ces facteurs dans l’évaluation globale du projet.
La figure 7 illustre la répartition des avantages du projet de TC/TGV proposé selon différents sous-scénarios et différentes catégories d’avantages (voir le tableau 4 en annexe pour obtenir les valeurs numériques). Les avantages pour les usagers constituent la composante la plus importante, ce qui indique que la valeur des passagers du transport ferroviaire devrait augmenter d’environ 3,1 à 9,2 milliards de dollars au cours de la période de modélisation, en valeur actuelle Les effets de la décongestion des routes, les retombées de l’agglomération et la réduction des émissions devraient également entraîner des avantages économiques. La modélisation de cette étude estime que le TC/TGV pourrait produire des effets d’agglomération qui feraient augmenter le PIB d’environ 2,6 à 3,9 milliards de dollars au cours de la période d’analyse de 60 ans, grâce à l’amélioration de la productivité dans le corridor Ontario–Québec. Le TC/TGV pourrait réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et améliorer la qualité de l’air, pour une valeur d’environ 2,6 à 7,1 milliards de dollars si l’on considère le coût social du carbone et d’autres polluants. On estime que les avantages de la réduction de la congestion routière se situent entre 2,0 et 5,9 milliards de dollars. Enfin, l’amélioration de la sécurité routière offre une valeur actualisée supplémentaire de 0,3 à 0,8 milliard de dollars (approximativement). Ensemble, ces retombées illustrent la vaste gamme d’avantages économiques, environnementaux et sociaux attendus du projet de TC/TGV.
Compte tenu de la sensibilité potentielle des avantages économiques aux hypothèses entourant la croissance du nombre de passagers, l’étude de faisabilité de 2011 produite par le gouvernement fédéral fournit un point de comparaison utile pour la croissance du transport ferroviaire de passagers à bord du TC/TGV. Les perspectives actuelles pour les prévisions relatives au transport ferroviaire de passagers ne sont pas les mêmes qu’en 2011, mais certains des changements auront des répercussions compensatoires. D’une part, par rapport aux attentes de 2011, la population du Canada a augmenté plus rapidement (entre 2011 et 2024) et devrait croître plus rapidement à l’avenir. D’autre part, le travail à distance a considérablement augmenté depuis la pandémie de COVID-19. Les prévisions concernant le nombre de passagers font l’objet d’une discussion plus détaillée ci-dessous.
Les avantages de l’agglomération modélisée se trouvent à l’extrémité supérieure des attentes. Par exemple, la valeur des effets d’agglomération pour le scénario TGV milieu dans cette étude (3,4 milliards de dollars) représente près de 50 % de la valeur des avantages pour les usagers du transport ferroviaire (7,2 milliards de dollars). Dans les publications universitaires, on estime que les avantages économiques de l’agglomération correspondent généralement à environ 20 % des avantages directs pour les usagers en moyenne (Graham 2018). Cependant, dans une gamme d’études, des avantages d’agglomération allant jusqu’à 56 % ont été repérés (Oxera 2018). Par conséquent, les estimations modélisées semblent élevées par rapport aux attentes antérieures, tout en restant dans une fourchette plausible.
Il faut noter que notre modélisation de l’agglomération (basée sur la méthodologie Metrolinx) prévoit des retombées économiques importantes pour les quatre zones. Nos estimations relatives à l’agglomération modélisée pour chaque zone sont fonction de la distance entre les zones (une distance plus élevée réduit les avantages de l’agglomération en raison du paramètre de décroissance), de l’adoption prévue des services de TC/TGV et du PIB. Par exemple, l’effet d’agglomération de Toronto (en pourcentage du PIB) devrait être inférieur d’un tiers à celui de Montréal, car Toronto est légèrement plus éloignée d’Ottawa, de Montréal et de Québec que ces villes le sont les unes des autres. Comme la modélisation de l’agglomération est complexe et sensible aux hypothèses d’entrée, il est important de reconnaître un certain degré d’incertitude autour de la valeur exacte des avantages économiques liés à l’agglomération.
Analyse de sensibilité
Les prix des billets du TC/TGV ont un effet sur les avantages totaux. Par exemple, dans le scénario milieu du TGV, si les prix des billets de TGV étaient fixés à 20 % au-dessus des prix actuels des billets de VIA Rail, la valeur actualisée prévue des avantages pour les usagers diminuerait d’environ 40 %. La valeur actualisée des avantages économiques diminuerait de 4,2 milliards de dollars par rapport au scénario milieu du TGV (de 20,7 milliards de dollars à 16,5 milliards de dollars), principalement en raison des avantages moins élevés pour les usagers. Toutefois, compte tenu des préoccupations relatives au coût de la vie pour les ménages canadiens, il est également possible que le prix médian des billets diminue – par exemple grâce à la tarification dynamique – auquel cas les avantages économiques pourraient également augmenter d’un montant similaire.
La source de passagers du TC/TGV aura une incidence sur le montant estimatif des avantages, bien que de façon relativement modérée. Si les proportions de passagers « transitionneurs » et « incités » proviennent des estimations de VIA-TGF, le niveau des avantages économiques est inférieur de 3,0 milliards de dollars (passant de 20,7 milliards de dollars à 17,7 milliards de dollars). Les prévisions de VIA-TGF supposent une proportion plus élevée de passagers incités et également une plus grande part de transitionneurs qui délaissent le transport aérien. Par conséquent, le principal effet des hypothèses de VIA-TGF est la production d’un effet de décongestion de la route plus faible, ce qui réduit les avantages potentiels pour les usagers de la route.
Le calcul de l’agglomération est relativement sensible à l’hypothèse de référence pour la part modale des passagers. La modélisation de la présente étude est fondée sur des données pancanadiennes sur les kilomètres-véhicules et fait appel à des renseignements de Transports Canada et de Statistique Canada. Une analyse plus approfondie pourrait être entreprise pour affiner cette hypothèse dans l’ensemble de l’Ontario et du Québec tout en s’assurant que les avantages prévus de l’agglomération s’harmonisent avec des estimations plus larges dans la littérature existante sur le transport.
Discussion et réserves
L’analyse contenue dans la présente étude est fondée sur l’information et les projections actuellement disponibles, qui sont assujetties à certaines limites. Notamment, des incertitudes entourent plusieurs facteurs clés, y compris les itinéraires précis et l’emplacement des gares, les spécifications de conception (p. ex. la vitesse maximale atteignable), le prix des billets, le nombre prévu de passagers, la répartition entre les passagers « transitionneurs » et les passagers « incités », et les parts modales des passagers en général. Ces éléments, s’ils sont modifiés, pourraient avoir une incidence considérable sur les résultats économiques.
La portée de cette étude comporte plusieurs réserves importantes. Premièrement, elle fournit une analyse des avantages économiques potentiels de l’investissement dans le TC/TGV, mais ne cherche ni à quantifier ni à analyser les coûts directs liés à l’approvisionnement, au financement, à la construction, au fonctionnement, à l’entretien ou aux renouvellements. À ce titre, la présente étude constitue une analyse des avantages économiques plutôt qu’un exercice complet d’analyse coûts– avantages. Deuxièmement, la présente étude vise à estimer les répercussions nationales agrégées, plutôt qu’à analyser de manière exhaustive la répartition des répercussions au sein des différents groupes de population et entre ceux-ci. Troisièmement, la présente étude constitue principalement une évaluation économique plutôt qu’un exercice de modélisation des transports. L’analyse économique s’appuie sur des prévisions détaillées et ascendantes des passagers élaborées par VIA-TGF (reçues directement), recoupées avec l’étude précédente de 2011 du gouvernement fédéral sur le TGV. Ces trois questions de portée sont des éléments importants d’une évaluation globale de l’investissement dans les transports et devraient être examinées en détail dans le cadre de la prise de décisions en matière d’investissement.
Plus précisément, en ce qui concerne cette dernière question – les prévisions du nombre de passagers –, il est pertinent d’examiner plus en détail les hypothèses de modélisation du transport. Comme il a été mentionné ci-dessus, la présente étude n’a pas élaboré un modèle de transport complet et ne vise pas non plus à adopter une opinion définitive sur les prévisions de VIA-TGF. Nous recommandons que des prévisions techniques indépendantes soient élaborées. Cependant, il y a plusieurs observations pertinentes.
D’une part, les estimations de VIA-TGF ne semblent pas invraisemblables. Par exemple, le TGV a atteint une part de 7 à 8 % des déplacements de passagers sur certains itinéraires aux États-Unis (New York–Boston et New York–Washington), ce qui semblerait être globalement conforme au niveau d’ambition dans les prévisions de croissance du nombre de passagers de VIA-TGF pour le scénario milieu du TGV (LEK 2019). On estime que la liaison à grande vitesse Madrid–Barcelone dessert 14 millions de passagers par an (International Railway Journal 2024). À l’échelle internationale, le TGV a atteint des parts de marché élevées en Europe et en Asie, telles qu’une part modale de 36 % pour Madrid–Barcelone et de 37 % pour Londres–Manchester, quoiqu’il convient de noter qu’en général, l’Europe utilise moins les routes et a une plus grande prédisposition à utiliser les transports publics (LEK 2019).
D’autre part, il est important de reconnaître la tendance historique au biais d’optimisme dans les projets d’investissement dans les transports. Par exemple, au Royaume-Uni, le projet HS2 a été critiqué comme ayant [traduction] « surestimé la demande prévue du nombre de passagers utilisant le HS2 [et] surestimé les avantages financiers qui découlent de cette demande » (Témoignage écrit au Economic Affairs Committee, Royaume-Uni, 2014). Un examen du HS2 en 2020 a révisé à la baisse les estimations précédentes des avantages économiques (Lord Berkeley Review 2020). Comme indiqué ci-dessus, l’analyse de la Cour européenne de l’arbitrage (2018) postule que les projets de TGV n’incitent pas tous un nombre suffisant de passagers pour entraîner des avantages nets sur la durée de vie du projet.
Dans l’ensemble, les prévisions futures concernant le nombre de passagers dépendront d’un éventail de facteurs, y compris le prix des billets, la disponibilité et le prix des autres modes (c.-à-d. l’avion), les préférences culturelles pour la propriété de véhicules privés, l’incidence de l’évolution des normes d’émissions et la faisabilité des plans de construction.
Cette étude applique des hypothèses et des approximations pragmatiques et simplificatrices à l’évaluation des meilleures pratiques en matière de transport (Metrolinx 2021; Department for Transport, Royaume-Uni, 2024). Dans l’ensemble de ces hypothèses de modélisation, il existe une variation de l’incidence directionnelle sur nos estimations des avantages économiques.
D’une part, certains des avantages modélisés sont susceptibles d’être des estimations relativement élevées. Premièrement, en ce qui concerne les avantages pour les usagers du transport ferroviaire, la modélisation suppose qu’il n’y a pas de différence de prix des billets entre les services existants de VIA Rail et le TC/TGV. Elle suppose également que le TC/TGV peut respecter les temps de déplacement proposés par VIA-TGF avec une fiabilité de 95 %, ce qui est réalisable, mais non garanti. Deuxièmement, en ce qui concerne les avantages liés à la congestion routière, les réductions (directes) prévues de la congestion routière supposent qu’il n’y a pas d’effet indirect de « retour », à savoir lorsque la réduction de la circulation encourage les déplacements nouveaux ou plus longs (comme indiqué ci-dessus). Par exemple, l’analyse de la demande d’autoroutes aux États-Unis suggère que l’expansion de la capacité n’entraîne qu’un soulagement temporaire de la congestion, pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans, avant que celle-ci ne revienne aux niveaux préexistants (Hymel, 2019). Troisièmement, en ce qui concerne l’agglomération, les estimations modélisées des avantages économiques représentent environ 50 % des avantages pour les usagers du transport ferroviaire, ce qui se rapproche de l’extrémité supérieure des estimations d’autres études sur les transports. Quatrièmement, en ce qui concerne les émissions, les estimations des avantages liés aux économies d’émissions prévues ne permettent pas de faire d’hypothèses sur les changements futurs à l’efficacité énergétique pour le transport routier et aérien, les émissions associées à la production d’électricité pour le TC/TGV, ou la croissance prévue de l’adoption des véhicules électriques. Dans le cas du déploiement de véhicules électriques, il existe une incertitude quant au niveau d’adoption, ainsi qu’à l’intensité en carbone de la production d’électricité (bien que l’Ontario et le Québec aient des réseaux relativement « propres » selon les normes internationales). Cinquièmement, en ce qui concerne les avantages dans l’ensemble, cette étude s’appuie sur les prévisions de VIA-TGF en matière de croissance du nombre de passagers qui sont susceptibles d’être ambitieuses, bien qu’elles aient été solidement établies.
D’autre part, en se concentrant sur les avantages économiques les plus importants, la présente étude pourrait exclure certains avantages supplémentaires modestes qui pourraient être examinés plus en détail. Premièrement, il peut y avoir des répercussions propres au secteur du tourisme et de l’accueil. En améliorant la commodité des déplacements, le TC/TGV est susceptible d’attirer plus de visiteurs vers les diverses attractions culturelles, de divertissement et naturelles d’un bout à l’autre du corridor. Comme cet afflux profiterait aux entreprises locales en stimulant la croissance économique et la création d’emplois, ces retombées sont probablement prises en compte dans l’estimation des avantages de l’agglomération.
Deuxièmement, le TC/TGV améliorerait la compétitivité nationale et mondiale en renforçant l’attrait des villes canadiennes pour les investisseurs et les passagers soucieux de l’environnement tout en aidant le Canada à s’aligner plus étroitement sur les normes mondiales en matière d’infrastructure durable et moderne. Encore une fois, les avantages économiques sont susceptibles de s’aligner sur les estimations en matière d’agglomération.
Troisièmement, la présente étude ne vise pas à quantifier les éventuels gains de productivité individuelle découlant de l’achalandage du TC/TGV, p. ex. du fait que les personnes ont le temps de travailler dans le train. On ne s’attend pas à ce qu’il y ait un avantage pour les usagers existants du transport ferroviaire, car ceux-ci peuvent déjà utiliser le Wi-Fi sur les services existants de VIA Rail. Pour les usagers du transport routier ou aérien qui passent au train, les avantages potentiels ne s’appliqueraient qu’aux usagers commerciaux. Bien qu’il puisse exister des possibilités pour les transitionneurs d’améliorer leur productivité individuelle, le Wi-Fi est de plus en plus disponible dans les avions, et les gens peuvent se connecter à des réunions à distance tout en conduisant.
Quatrièmement, le TC/TGV pourrait entraîner des avantages économiques plus généraux en augmentant la concurrence entre les entreprises le long du corridor. Les publications internationales sur l’évaluation des transports suggèrent que l’amélioration de la connectivité des transports peut réduire les majorations de prix (et donc augmenter le surplus du consommateur) en surmontant les imperfections du marché (Metrolinx 2021; Ministère des Transports, 2024). Cependant, ces effets sont susceptibles d’être relativement faibles; par exemple, le Department for Transport (Royaume-Uni) les estime qu’ils ne constituent que 10 % des avantages pour les usagers commerciaux du transport ferroviaire. De plus, les sources de pouvoir de marché au Canada sont de nature juridique (p. ex. les obstacles au commerce interprovincial), laquelle l’investissement ferroviaire à lui seul est peu susceptible de surmonter.
Il y a un autre groupe de questions qui ont été exclues consciemment de la méthodologie de cette étude. Premièrement, les répercussions sur l’encombrement ferroviaire ne sont pas prises en compte. Certaines évaluations des transports (telles que l’évaluation économique du projet High Speed 2 par le Royaume-Uni) estiment que les usagers bénéficient d’un encombrement réduit. Cependant, cette réduction ne s’applique pas autant au TC/TGV : Au Royaume-Uni, les usagers des services ferroviaires existants peuvent être tenus de se tenir debout s’ils sont trop nombreux à bord, tandis que les usagers des services existants de VIA Rail ont une place garantie en réservant. Deuxièmement, les répercussions sur la valeur des terres et des propriétés ne sont pas incluses dans les avantages économiques. On observe également une demande et une valeur accrues du fait que les propriétés situées à proximité des gares ferroviaires procurent un meilleur accès à un transport efficace, ce qui augmente les recettes fiscales locales et favorise la revitalisation urbaine. Même si le TC/TGV pourrait donner lieu à une augmentation des valeurs dans les zones proches des gares proposées, cette augmentation ne s’ajoute pas à d’autres avantages économiques plus généraux, mais témoigne plutôt d’une capitalisation de ces avantages. Pour éviter le risque de compter deux fois les avantages économiques déjà estimés, ceux-ci sont exclus (Department for Transport 2024).
Le TC/TGV peut améliorer l’équité sociale et l’accessibilité en offrant des solutions de déplacement abordables et fiables pour les personnes sans voiture, y compris les personnes à faible revenu, les étudiants et les personnes âgées. Cet accès accru permet d’élargir les possibilités d’emploi, d’éducation et de soins de santé, contribuant ainsi à une société plus inclusive. Bien que cette étude ne comprenne pas d’analyse de la répartition, les avantages sociaux d’une plus grande inclusion et d’une plus grande équité sociale constitueraient un avantage de l’investissement dans le TC/TGV et mériteraient une analyse plus approfondie.
Enfin, en plus des considérations stratégiques, les grandes décisions d’investissement revêtent une dimension politique importante. Par exemple, le Canada est le seul pays du G7 qui n’a pas d’infrastructure de TGV. Bien qu’elle prenne en compte le contexte politique, l’analyse de la présente étude est purement une évaluation économique et ne tient pas compte des facteurs politiques.
Conclusion
La population et l’économie du Canada continuent de croître, en particulier dans le corridor Ontario–Québec. Il est à prévoir que la congestion augmente au fil du temps sur les voies de transport existantes, en particulier pour les services de VIA Rail dont la capacité est limitée. Dans ce contexte, le Canada peut-il se permettre de ne pas aller de l’avant avec des services ferroviaires plus rapides et plus fréquents? Des coûts de renonciation élevés sont associés au report de l’investissement.
Cette étude a permis d’établir des estimations quantifiées des avantages économiques d’investir dans le projet de Train rapide proposé dans le corridor Toronto–Québec. Cumulativement, en termes de valeur actualisée, on estime que ces avantages économiques se situent entre 11 et 17 milliards de dollars dans le cadre de nos scénarios modélisés de train conventionnel (TC) et sont davantage importants – de 15 à 27 milliards de dollars – dans les scénarios de train à grande vitesse (TGV). Les avantages économiques sont attribuables à plusieurs circonstances, notamment les économies de temps pour les usagers du transport ferroviaire et la fiabilité accrue, la réduction de la congestion sur le réseau routier, les gains de productivité réalisés grâce à une connectivité accrue et les avantages environnementaux découlant de la réduction des émissions. Alors que de nombreux commentateurs soulignent que le Canada vit une « crise de productivité » et une « urgence climatique », les gains de productivité prévus et la capacité de transport à plus faibles émissions du projet de Train rapide présentent des possibilités particulièrement précieuses.
Cette étude a évalué les principales catégories d’avantages économiques recensées dans les lignes directrices générales d’évaluation des transports. D’autres recherches pourraient inclure une analyse de sensibilité supplémentaire portant sur les paramètres clés, ainsi que la prise en compte des effets de regroupement dynamiques potentiels et des projections relatives à la valeur des logements et des terrains.
De toute évidence, un coût est associé à l’investissement dans un nouveau service ferroviaire réservé aux passagers : l’investissement initial en immobilisations, les dépenses courantes de fonctionnement et d’entretien et tous les coûts de financement. Ces coûts ne sont pas évalués dans la présente étude et devront être examinés attentivement par les décideurs. Cependant, l’inaction – en maintenant le statu quo de l’infrastructure ferroviaire – a également un coût de renonciation important. Le Canada renoncerait à des milliards de dollars d’avantages économiques s’il ne parvenait pas à relever les défis actuels, y compris la congestion sur les réseaux ferroviaires et routiers, la productivité étouffée et les préoccupations environnementales.
Cette étude recense les avantages économiques de plusieurs milliards de dollars du projet de Train rapide proposé. Bien que ces avantages doivent être mis en balance avec les coûts prévus du projet, cette étude fournit une base pour l’évaluation ultérieure du projet et met en évidence les coûts de renonciation importants que le Canada engage en l’absence d’investissement.
Annexe
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